Les gares routières : le bémol de la loi Macron
La loi Macron a les effets attendus : les autocars longue distance se multiplient et de plus en plus de français s’intéressent aux avantages que présente cette nouvelle façon de voyager. L’autocar longue distance est désormais confronté au problème qui toucha pareillement l’Allemagne lors de leur libéralisation : l’adaptation à l’environnement urbain.
L’autocar longue distance est désormais implanté en France et les chiffres le prouvent. Mais qui dit autocars dit aussi infrastructures. De nombreux travaux sont à prévoir : des gares routières pour les départs et arrivées, des arrêts de bus, des voies adaptées pour faciliter leur circulation en zone urbaine… Le but du ministre de l’Économie Emmanuel Macron était bien de créer des emplois en libéralisant la circulation des autocars en France, et en ça, il atteint l’un de ses objectifs. Du reste, tout est encore à définir. Quelles réglementations encadreront ces infrastructures ? Et, point noir de tout projet de grande envergure, qui sortira le portemonnaie ?
Macron désigne les compagnies de bus comme responsables du financement des gares routières
Emmanuel Macron ainsi que le secrétaire d’État chargé des Transports Alain Vidalies ont organisé le 28 septembre à Bercy une première table ronde avec les principaux acteurs concernés par le secteur de l’autocar. Ensemble, ils entendent rédiger les termes d’une ordonnance qui définira les règles que les gares routières auront à respecter en France. « On a bien vu aujourd'hui que l'ensemble des acteurs étaient très attentifs à la réponse qui pourrait être donnée par l'État en terme d'accessibilité et d'égalité tarifaire », a indiqué Alain Vidalies.
Une première version de cette ordonnance sera proposée aux sociétés d’autocars lors d’une réunion qui aura lieu courant novembre 2015. Pour l’anecdote : le dernier texte définissant la réglementation des gares routières date de 1945 et il n’a tout bonnement jamais été actualisé. Pour novembre 2015, les ministres demandent aux principaux concernés de recenser les gares routières pour envisager les éventuels travaux à venir. Développer un « maillage territorial optimal », « assurer le meilleur abord possible des cars dans les centres urbains », « faciliter l’intermodalité avec d’autres modes de transport » et « coordonner la création des gares entre les différents opérateurs » sont les éléments ressortant de leur communiqué commun.
Quant à la question de l’argent, Emmanuel Macron entend faire financer les travaux de rénovation des gares par les sociétés d’autocars elles-mêmes. Les autocaristes reconnaissent le point faible que représentent les gares routières. Comme l’indiquait le PDG de Transdev (détenteur d’Isilines) Jean-Marc Janaillac : « Une préfecture sur deux n’a pas de gare routière ». Mais même si certains opérateurs sont prêts à investir, d’autres ne l’entendent pas de la même oreille. Le responsable communication de Flixbus Raphaël Daniel l’annonçait « Pour le moment, ce n'est pas notre volonté », mais il n’exclue pas une possible collaboration : « il faut voir comment vont se passer les discussions ».
L’Allemagne, à titre de comparaison, a aussi rencontré de nombreux problèmes pour l’aménagement des gares routières lors de la libéralisation en janvier 2013 de l’autocar longue distance (appelé « Fernbus » en Allemagne). Les problèmes majeurs liés étaient les suivants :
- L’espace proche des gares de train était souvent insuffisant pour un nouvel aménagement pour les bus. Or c’est le principal lieu où se trouvent les voyageurs successibles à prendre un autocar.
- Pour la circulation des autocars, l’emprunt des voies réservées aux transports citadins a bien sûr été envisagé, mais dès qu’un bus longue distance s’arrête, les bus citadins peuvent être gênés voire devenir un danger pour le chauffeur et les clients se tenant devant la soute pendant le chargement des bagages.
- En ce qui concerne l’hygiène à bord, et particulièrement les toilettes, une mise-à-jour de l’équipement était nécessaire.
- Des salles de repos devaient être mises à disposition des chauffeurs pour les pauses régulières dont ils ont besoin sur les longs trajets.
Voilà donc certains des principaux défis que l’autocar français se doit de relever lui aussi. En Allemagne comme en France, ni l’État ni les communes ni les prestataires ne souhaitaient devoir assumer l’entièreté des coûts de rénovation des infrastructures. Au final, tout s’y passe au cas par cas, l’ampleur du projet étant trop grande pour prétendre à une solution globale… « L’idée, c’est qu’il y a trois groupes d’intérêts divergents », nous explique Martin Rammensee, PDG chez busradar.fr, « le client, la ville et la société d’autocar. Chacun ayant ses intérêts dépendants du paysage urbain dans lequel la gare routière doit être implantée, un accord mutuel n’est pas toujours simple à trouver ». Lorsque le Fernbus en était encore à ses balbutiements, les villes étaient parfois réticentes à l’introduction de gare pour autocars. Elles pensaient que cela pouvait nuire aux gares ferroviaires, lesquelles apportaient au premier abord « beaucoup plus de prestige à une ville qu’une gare routière ». Martin Rammensee finit sur ces termes : « il a fallu du temps pour que les villes se rendent compte de l’utilité touristique et économique de l’autocar longue distance, mais en Allemagne le plus dur est maintenant derrière nous ».
Espérons que les leçons tirées par nos voisins nous soient profitables !
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